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SOBRE A ARTE

SOBRE A ARTE

Camille Claudel – Cartas à Florence Jeans


à Miss Florence Jeans, Grantham. Frome, Somerset, 22 juillet 1886 (cachet de la poste) Ma chère Florence, Je me réjouis beaucoup de vous voir à Shanklin et je vous remercie beaucoup de votre aimable invitation. C’est miss Lipscomb qui me dira le jour où nous irons vous voir. Je reprendrai, j’espère, quelques leçons d’anglais avec vous si cela ne vous ennuie pas et je ferai mon possible pour faire beaucoup de progrès. Votre élève Camille Claudel


[Dans la même enveloppe] Ma chère Florence, Je reçois une lettre de miss Lipscomb qui me dit que nous devons aller à Shanklin le douze août. permettez-moi de vous remercier encore une fois pour votre aimable invitation. Mes parents sont tout à fait étonnés que je fasse un voyage à l’Ile de Wight pour une Française c’est tout à fait surprenant. je vous assure que je m’en fais une véritable fête. Je ne fais malheureusement pas beaucoup de progrès en anglais ; de temps en temps j’essaye de faire un thème mais le courage me manque et il faudra que vous soyez là, professeur Florence, pour me donner de sévères leçons. Je me plais toujours beaucoup en Angleterre. Avec Mlle Singer nous faisons des excursions de tous côtés. Nous avons vu Bath, Wells et nous verrons Bristol cette semaine. Je pense aussi voir Portsmouth puisque miss Lipscomb m’y a donné rendez-vous pour nous embarquer en allant à Shanklin. je vais emporter beaucoup de papier et de fusain pour faire des croquis de la mer et de la campagne là-bas et j’espère aussi que vous voudrez bien poser pour moi quelques séances. Vous me ferez bien plaisir de m’écrire un petit mot si vous avez le temps. Je vous embrasse de tout mon coeur, en vous priant de ne pas m’oublier auprès de monsieur et madame Jeans. Tout à vous Camille Claudel

Chez miss Singer

Frome, Somerset


à Miss Jeans, Grantham. Paris, 22 septembre 1886 (cachet de la poste) Ma chère Florence, me voici hélas ! revenue à Paris, 31 Boulevard de Port Royal. je ne puis pas y croire je ne puis pas penser que je ne verrai plus la mer et les magnifiques paysages de Shanklin. Je sens comme si mon coeur était tout à fait déchiré. Déjà quand vous êtes partie samedi, j’ai eu un vide affreux, je vous voyais partout, sur la plage, dans votre chambre, dans le jardin : impossible de me faire à l’idée que vous étiez partie. Alors lundi quand je suis partie à mon tour je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer comme une folle depuis Shanklin jusqu’à Southampton sans arrêter et aujourd’hui en vous écrivant j’ai bien peur de recommencer. Vous savez que nous sommes partis avec les Lipscomb à 4 heures 1/2 ; nous avons eu ainsi 5 heures à attendre à Southampton ce qui n’était pas très agréable. Seulement nous nous sommes couchés tout de suite et nous avons parfaitement dormi. la mer a été excessivement forte et au lieu de 9 heures de traversée nous en avons eu 11. Malgré cela à mon grand étonnement je n’ai pas eu le mal de mer et mon frère non plus. Tout le monde l’avait et très souvent dans la nuit nous avons été réveillés par les formidables hoquets de nos voisins et comme je rêvais toujours de Shanklin je pensais que c’était la bande allemande qui commençait. Arrivés au Havre le train de Paris était parti. Obligés d’attendre jusqu’à midi 20 pour un autre qui nous a menés à Paris pour 7 heures. Là, autre histoire. Figurez-vous que dans mon trouble j’ai oublié de faire enregistrer mes bagages, je les ai fait porter seulement dans le bateau sans autre cérémonie. Alors à Paris pas de bagages et nous ne savons pas encore ce qu’ils sont devenus. C’est bien ennuyeux car tous mes dessins sont dedans et ma malle ne ferme puissamment pas c’est Guillaume qui l’avait ficelée et à Southampton elle était déjà à moitié ouverte. Nous en sommes tous bien inquiets et j’ai eu un fameux savon de mon frère en arrivant ; Je ne suis pas encore allée à mon atelier et je tremble d’y trouver tout espèce d’accidents. Il me reste à vous remercier, ma chère Florence, pour toutes les bontés que vous avez eues pour moi. Je n’oublierai jamais mes beaux jours avec vous à Shanklin, ils sont certainement les plus agréables de toute ma vie. Tenez j’ai les larmes aux yeux en y pensant. J’enrage d’être ici, c’est fini de tout bonheur pour tout une année. J’espère que vous penserez tous les 1ers du mois comme nous avons convenu au soir à huit heures. Nous nous rappellerons notre petite promenade du soir, avec la lune et les petits bateaux tout noirs sur la mer. Aussi le bag-pipe qui a joué si délicieusement… Le jour de notre départ nous étions tellement troublés que mon frère a donné deux pennys à la bande allemande et le petit blond avec la grande trompette était si étonné qu’il est resté plus de 5 minutes à nous regarder, et il a dit après « merci monsieur » avec un air tout à fait attendri. Moi, j’ai manqué d’embrasser Tom Renneer quand il est venu me dire « good bye » et « bateau à vapeur » pour la dernière fois. Le dernier dîner à Shanklin j’ai pleuré et n’ai pas pu manger du tout mon frère s’est moqué de moi et il a dit que lui aussi il allait pleurer « car, dit-il, j’aime beaucoup Fanny et je veux me marier avec elle ici, il m’est impossible de me séparer d’elle » — vous pensez si nous avons ri. Mon frère et Fanny, quel couple ! Mais, chère Florence, je m’aperçois que je vais bien vous ennuyer avec une si longue lettre, pardonnez-moi et recevez mes baisers les plus affectueux. Ne m’oubliez pas auprès du docteur Jeans qui a été si bon pour moi et que j’ai ennuyé si souvent avec mes souliers sales sur le tapis. J’espère que vous m’écrirez bientôt. Je m’ennuie beaucoup de vous et j’aimerai tant que vous me parliez de Shanklin. Votre amie affectionnée Camille Claudel 31 Boul. Port Royal Atelier 117 rue notre dame des champs


à Miss Florence Jeans, Grantham. Paris, 27 septembre 1886 (cachet de la poste rue Monge) My dear Florence, Je suis très inquiète parce que vous ne m’écrivez pas ; j’espère que vous n’êtes pas malade et qu’il ne vous est rien arrivé dans votre voyage. Ou bien peut-être êtes vous à Brighton. Ici nous avons une concierge très indiscrète qui quelquefois ouvre les lettres et les garde. Peut-être ainsi avez-vous écrit et que je n’ai rien reçu. Si vous voulez, dites-le-moi. Et une autre fois quand vous écrirez, il vaut mieux 117 rue notre dame des champs à mon atelier. En ce moment je suis seule à Paris, jusqu’à la fin d’octobre : mon ingrate famille est repartie à Rambouillet. Quelquefois la vie est amère. J’ai vu Jasmina ce matin, elle n’est pas trop mal disposée et va recommencer à poser pour moi. Ma figure était assez bien, mais beaucoup de choses dans mon atelier sont tout de travers et j’ai dû administrer plusieurs savons à tous mes amis. Mes dessins ont été trouvés très bien.Je renverrai à Grantham vos deux portraits aussitôt que je pourrai. Je vous embrasse bien des fois et ne m’oubliez pas auprès de m. Jeans. Votre amie affectionnée, Camille Claudel


à Miss Florence Jeans, Grantham. Paris, 3 octobre 1886 (cachet de la poste Bd. Montparnasse) Lettre écrite le 2 octobre. My dear girl, Hier vendredi 1er octobre, 9 heures du soir, j’ai pensé comme nous avions convenu. j’espère que votre pensée a rencontré la mienne et qu’un bienfaisant courant magnétique nous a menées l’une vers l’autre. En tout cas je me suis transportée bien vivement à la belle et charmante mer sur la jetée de Shanklin. J’ai revu la soirée du 1er septembre avec le ciel sans lune ; un seul petit bateau noir sur le fond qui de sa lumière trace un long et fin sillon… Rien de nouveau ici, je suis seule à Paris avec la bonne et je travaille. Mon ingrate famille est à rambouillet. jessie m’écrit quelquefois des lettres incompréhensibles. Je crois comme vous que les Lipscomb ont quelque chose contre vous mais impossible de savoir quoi : on ne m’a rien dit. Je vous envoie le chapeau de paille d’Italie Je vous embrasse bien des fois et j’espère que vous viendrez nous voir à Paris cet hiver : en visite Bo Port Royal, ce serait bien amusant. Votre amie Camille


à Miss Florence Jeans, Grantham. Paris, 8 novembre 1886 (cachet de la poste rue Claude Bernard) Ma chère Florence J’ai été tellement occupée que je n’ai pas eu le temps de vous écrire un seul mot. Je travaille maintenant à mes deux grandes figures plus que grandeur nature et j’ai deux modèles par jour : femme le matin et homme le soir. Vous pouvez pensez si je suis fatiguée ; je travaille régulièrement 12 heures par jour de 7 heures matin à 7 heures soir, en revenant il m’est impossible de tenir sur mes jambes et je me couche tout de suite. j’ai beaucoup d’ennuis de toutes sortes et je suis très découragée je pense souvent au parcours de Shanklin. je vais envoyer bientôt vos deux dessins, j’attends après celui de M. Jeans qui est à l’Art pour une reproduction. M. Rodin a trouvé le vôtre très très bien, il est possible que je vous expose à l’Académie l’année prochaine si vous le permettez. J’ai reçu avant hier seulement les photographies de Miss Lipscomb, mais malgré tout ce que j’ai pu dire elle les a collés dans un album et envoyés ainsi. Alors je vous remercie bien pour l’offre que vous m’avez fait de les arranger. Avez-vous découvert le mystère à la fin ? Vous devriez venir à Paris cet hiver, en visite chez-nous ce serait bien amusant. Je serais si contente. Il me semble que j’ai encore bien des choses à vous dire que j’oublie tout à fait. Je deviens comme Jessie. Tout à vous, Camille

117 rue n. d. des champs

rappelez-moi au souvenir de M. Jeans.


à Miss Florence Jeans, Grantham. Paris, 25 décembre 1886 (cachet de la poste rue Monge) Chère Florence, Excusez-moi bien n’est-ce pas de n’avoir pas encore répondu à votre aimable lettre et de ne vous avoir pas encore remerciée de vos photographies. J’en ai pourtant été bien charmée, je vous assure, d’autant plus qu’elles sont arrivées un jour où je m’ennuyais et où je pensais à Shanklin. maintenant, voici Noël et la nouvelle année et je viens vous souhaiter toutes sortes de bonnes choses pour 1887, beaucoup de bonheurs et de plaisirs et aussi l’éclaircissement du mystère. N’oubliez pas de formuler aussi mes voeux à mr le docteur avec mille bonnes amitiés. J’avais espéré pouvoir vous envoyer pour Noël votre portrait et celui de m. Jeans. Le vôtre est déjà encadré et tout prêt, l’autre cadre attend toujours que mr le rédacteur de l’Art veuille bien me renvoyer mon fusain. Il y a déjà près de trois mois qu’il l’a : c’est bien ennuyeux. Vous voyez, chère Florence, vous n’aurez pas à vous occuper des cadres, ceci me regardait et je les ai commandés moi-même ; ils sont en chêne naturel avec la moulure composée par moi, et au bord un petit filet d’or j’espère qu’ils vous plairont, je voudrais bien être au jour de les emballer Je travaille toujours beaucoup, et j’ai beaucoup d’ennuis, je ne veux pas vous les raconter car cela en causerait à vous-même de les entendre. J’ai très peu de nouvelles des Lipscomb et jamais de choses très faciles à comprendre dans les lettres que Jessie m’écrit, je vous assure. J’espère avoir bientôt une lettre de vous, Tout à vous, Camille


à Miss Florence Jeans, Grantham. 12 février 1887 (cachet de la poste rue Monge) Chère Florence Je vous ai envoyé vos deux portraits, les avez-vous reçus et vous plaisent-ils ? Dites-moi… Jessie arrive mardi soir. Je crois qu’elle doit avoir acheté beaucoup de robes cette année car elle m’a demandé une grande diminution dans les prix de mon atelier. Vous m’étonnez en me disant que leur maison est à louer : quoi cette chère Wotton House !.. Jessie va loger chez nous en pension et travaillera avec moi toute la journée. j’espère comme vous qu’elle ne va pas laisser sa mémoire à Manchester et me dire encore des choses imaginaires. Ne craignez rien pour vos lettres elles sont toutes brûlées à mesure et j’espère que vous en faites autant des miennes. Vous me raconterez comment vous vous êtes amusée au bal costumé et comment était votre costume. Je ne vais pas en soirée cet hiver je suis trop fatiguée mon groupe avance beaucoup, quand il sera fait je vous enverrai la photographie Je vous embrasse, Camille


à Miss Florence Jeans, Grantham. 16 avril 1887 (cachet de la poste rue Monge) Chère Florence, Je ne vous ai pas encore remercié de la photographie que vous m’avez envoyée. Elle est très bien, très ressemblante et votre costume est charmant, tout à fait français ; je la garde précieusement. Monsieur Will est venu passer huit jours ici et il est reparti ce soir, c’est pourquoi j’ai maintenant une minute de tranquillité pour vous écrire. Car depuis son arrivée Jessie est d’une agitation perpétuelle et ne laisse pas un instant de repos à personne. J’ai beaucoup travaillé cette année et mon groupe avance ; je crois que je prendrai très peu de vacances avant que je l’aie terminé. Si vous alliez à Shanklin au mois d’août j’aimerais beaucoup de vous faire une petite visite pour quinze jours, si toutefois cela ne vous dérange pas ou si vous n’avez pas une autre amie qui vienne avec vous : vous me le direz n’est-ce pas ? Mais n’en parlez pas à Jessie, car je ne crois pas que j’aurais le temps d’aller à Peterboro. J’aimerais beaucoup de dessiner encore et faire du pastel à Shanklin, vous savez que j’ai eu assez de succès avec mes dessins de là-bas. Ils sont en ce moment dans l’Art (les six derniers numéros, je crois) si vous vous intéressez à mes travaux, vous pourrez les acheter à Londres. Je n’ose pas espérer que vous veniez à Paris cette année, mais si vous vous décidiez, n’oubliez pas que notre maison est à votre disposition. Nous avons fait dernièrement avec Jessie et Will et mr Rodin une excursion très amusante à Versailles. d’abord nous avons visité les palais et les jardins puis nous sommes allés à pied à travers bois jusqu’à un petit village très pittoresque où nous avons soupé à 7 heures soir. De là nous sommes revenus par les étoiles et le clair de lune, toujours dans les bois et nous avons pris le chemin de fer à deux lieues plus loin. C’était bien amusant, mais comme Will était fatigué ! Je ne désespère pas de faire avec vous un jour une de ces charmantes promenades dans les environs de Paris. Donnez-moi bientôt de vos nouvelles si vous avez le temps. Tout à vous, Camille Claudel Ne m’oubliez pas auprès de m. Jeans.


à Miss Florence Jeans, Grantham. 6 juillet 1887 (cachet de la poste rue Monge) Chère Florence Je ne vous étonnerai pas en vous disant que je suis complètement fâchée avec Jessie et que nos relations sont rompues pour toujours (je l’espère du moins). Elle a eu envers moi pendant son dernier séjour à Paris une conduite indigne sous tous les rapports, je je ne pourrais vous en raconter les détails par lettres ce serait trop long ; qu’il vous suffise de savoir que j’ai eu avec elle avant son départ une explication dans laquelle je lui ai déclaré qu’il me serait désormais impossible de la recevoir à mon atelier — qu’elle soit une folle ou une méchante fille dévorée de jalousie voilà ce que je ne saurais décider, mais si je me permets de juger son moral d’après son physique je le trouve aussi laid aussi difforme que possible. Bien certainement si ses parents savaient la façon dont elle a agi avec moi ils seraient bien fachés contre elle. Je regrette malgré tout d’être obligée de me montrer ingrate avec eux à cause de leur fille mais je ne puis plus, je ne puis plus la souffritr ! … Il ne m’étonne pas qu’elle soit fâchée avec m. Will, à la place de ce dernier il y a longtemps que j’en aurais assez. J’espère, chère Florence, que vous allez passer de bonnes vacances et bien vous amuser à Shanklin. Quant à moi je resterai à Paris très tard à cause de mon groupe qui n’est pas fini et que je n’ose laisser sans moi. Il fait extrèmement chaud ici, surtout dans l’atelier et je vous assure qu’il me faut beaucoup de courage pour ne pas partir à la campagne avec ma famille le 15 juillet. Recevez chère Florence mes meilleures amitiés pour vous et mr votre Père. Tout à vous Camille Claudel


à Miss Florence Jeans, Grantham. Compiègne, 31 juillet 1887 (cachet de la poste) Chère Florence Je vous remercie bien des fois pour votre aimable invitation et vous prie de m’accorder huit jours pour vous donner une réponse définitive. Je suis en ce moment à Compiègne chez mon père et j’avais pris mes arrangements pour passer ici le reste des vacances. Comme mon groupe n’est pas fini, je vais à Paris tous les quinze jours pour l’entretenir ; j’ai beaucoup d’embarras de toute espèce, c’est ce qui me fait hésiter à vous répondre tout de suite, mais vous me connaissez assez pour savoir que je ferai tout mon possible pour aller vous voir. Ce serait si amusant ! Je pense que Jessie serait furieuse de me savoir là avec vous et sans elle !. et de voir que sa conduite hypocrite entre vous et moi n’a pas réussi à nous séparer. En espérant de vous voir bientôt, chère Florence, je vous embrasse affectueusement et vous prie de présenter mes respects à monsieur Jeans. Votre amie sincère, Camille Madlle Camille Claudel Conservation des hypothèques de Compiègne Oise


à Miss Florence Jeans, Grantham. Compiègne, 12 août 1887 (cachet de la poste) Chère Florence A moins d’événement extraordinaire vous pouvez compter sur moi pour le mois de septembre. Je me fais une vraie fête de vous voir à Shanklin. je prépare déjà contre vous tout une artillerie formidable de boîte de pastels, fusains etc. et j’espère bien que vous voudrez encore me servir de cible. Quant à mon anglais je vous avouerai à ma honte, que mes progrès n’ont pas été très sensibles depuis l’année dernière et que je continue à confondre fatalement (it is et is it) j’espère qu’en retombant sous l’influence de mon professeur la lumière se refera dans mon esprit embrouillé. Je suis toujours à Compiègne où je fais le possible pour passer le temps. Il y a une très grande forêt où nous faisons de longues promenades et ou j’ai trouvé l’occasion de dessinerdes fusains. c’est ma seule distraction. je vous prie de présenter mes respects au docteur Jeans et à vous je serre la main bien affectueusement. Votre amie, Camille Si vous avez quelques conseils à me donner sur mon voyage écrivez moi toujours à la même adresse.


à Miss Florence Jeans Lincoln Villa, Shanklin, Isle of Wight Compiègne, 28 août 1887 (cachet de la poste) Dimanche soir Compiègne Chère Florence, Vous me voyez profondément chagrinée : il m’est impossible d’aller vous voir à Shanklin cette année, je viens d’avoir un revers de fortune tout à fait inattendu, une note est arrivée sur laquelle je ne comptais pas et qui a dévoré mes petites économies. C’est samedi que j’étais allée à Paris pour décider du jour de mon départ que j’ai eu cette désagréable surprise. Rien ne peut me faire plus de peine car il y a bien longtemps que je me réjouissais de retourner avec vous. j’espère que vous me pardonnerez et que cela ne vous portera pas préjudice. C’est avec les larmes aux yeux que je vous annonce cette nouvelle car j’ai eu depuis quelque temps la vision de la mer à Shanklin et tous les plaisirs que j’aurais partagé avec vous, mais enfin, « l’homme propose et Dieu dispose. Je n’ai pas de chance en ce moment, j’ai été piquée ces jours-ci par une mauvaise mouche et j’ai le bras et la main enflés comme un saucisson mais j’espère que ça passera vite quoique cela me fasse assez souffrir. Je vous prie, chère Florence de présenter mes excuses à monsieur votre Père en même temps que mes hommages respectueux et vous, recevez mes amitiés et l’assurance de mes regrets profonds. J’espère avoir bientôt une lettre de vous pour montrer que vous me pardonnez. S’il vous plaît vous me mettrez une petite plante de la mer et vous me direz un peu comment est la plage cette anné. Votre amie sincère Camille Claudel


à Miss Florence Jeans Lincoln Villa, Shanklin, Isle of Wight Compiègne, 12 septembre 1887 (cachet de la poste) Chère Florence, Je suis malade depuis quelques jours d’une grande fièvre et de maux tête affreux C’est pourquoi je n’ai pu vous remercier plus tôt de votre lettre et de vos algues qui m’ont fait si grand plaisir. Aujourd’hui je vais mieux et j’irai me promener dans la forêt pour me désennuyer Quant à vous je suis sûre que vous vous amusez bien et que vous serez bien fâchée de retourner à Grantham Verrez vous Jessie là-bas ? J’espère pour vous que non comme pour moi de la revoir à Paris. Si vous me demandez de vous donner quelques détails sur notre séparation, je vous dirai qu’il me serait impossible de vous raconter par lettre tout ce qu’elle m’a fait. Sans que je puisse m’en expliquer la cause elle m’a montré tout le temps une hostilité qu’elle a traduite par de lourdes indélicatesses. Avec son caractère brouillon et indiscret elle m’a causé des ennuis continuels, en me nuisant dans mes intérêts et dans mes amitiés. Si je vous disais qu’elle a donné des leçons de sculpture pendant les trois mois à Paris vous seriez bien étonnée n’est-ce pas ? Eh-bien ! je l’ai été autant que vous car je ne l’ai appris que deux jours avant son départ et je l’ai été encore plus quand on m’a dit que ses élèves!!étaient des Anglaises qui étaient venues à mon atelier pour y demander à y entrer et qu’elle avait détournées en leur disant qu’elle donnerait des leçons tout aussi bien et meilleur marché que mr. Rodin et que je prenais trop cher pour l’atelier : comment trouvez-vous l’orgueil ?…. J’en ai bien ri et m. Rodin aussi. Et je ne me suis pas gênée pour lui dire à elle même qu’elle était la personne la plus ridicule du monde ce qu’elle a trouvé tout naturel. mais il y aurait trop de choses à raconter si amusantes ! quel ennui que je n’ai pu aller là bas. En tout cas je vous prie de conserver cela pour vous seule car je serais fâchée que que ses bons parents connaissent la conduite de leur fille envers moi ; ils n’en seraient pas fiers je crois. Pardonnez d’avoir écrit si long. Je vous embrasse et vous prie de présenter mes respects à monsieur le Docteur. Tout à vous, Camille


à Miss Florence Jeans, Grantham. Paris, 17 octobre 1887 (cachet de la poste rue Monge) Chère Florence, Je suis de retour à Paris depuis quinze jours Rien de nouveau. La vie est toujours amère Je vous embrasse bien affectueusement. Camille 117 rue notre dame des champs.


à Miss Florence Jeans, Grantham. Paris, 25 décembre 1887 (cachet de la poste rue Monge) Chère Florence, Vous me pardonnez n’est-ce pas de n’avoir pas répondu plus tôt à votre aimable lettre et de ne vous avoir pas encore remercié de la bonté que vous avez eue en m’envoyant la photographie de Monsieur Jeans. Il est inutile de vous dire que je suis bien contente de l’avoir que je la trouve parfaitement ressemblante. J’ai eu si peu de temps à moi que je ne trouve pas un moment pour écrire. Je travaille toujours à mon grand groupe qui avance assez bien mais j’ai eu l’ennui de voir mon modèle d’homme partir en Italie et… y rester. De sorte que je suis obligée de faire bien des changements qui sont longs et couteux. Vous avez dû avoir beaucoup d’occupations et de soucis à cause de la Noël. A cette occasion, chère Florence, permettez-moi de vous exprimer mes voeux et mes souhaits les plus sincères en même temps de vous renouveler l’assurance de ma véritable amitié. N’oubliez pas de présenter mes hommages les plus respectueux à monsieur Jeans, avec mes remerciements pour sa photographie. serre la main bien affectueusement Votre amie Camille Claudel Avez-vous des nouvelles de Jessie ? J’espère qu’elle est mariée à présent. Pourvu qu’elle ne revienne pas à Paris !…


à Miss Florence Jeans, Grantham. Paris, 6 mars 1888 (cachet de la poste du Bd. Montparnasse) Chère Florence, Il y a bien longtemps que je n’ai reçu de vos nouvelles. Si vous avez un moment écrivez-moi une petite lettre pour me dire comment vous allez et ce que vous avez fait depuis ces longs jours que vous ne m’avez écrit. On va mouler mon groupe ces jours-ci je vous enverrai la photographie. Tout à vous Camille


à Miss Florence Jeans, Grantham. Southampton, 19 mars 1888 (cachet de la poste) [Cachet en haut à gauche de la lettre] Hôtel de la Providence Mme Toussaint St Lawrence Road, Southampton Chère Florence, Sans doute vous serez bien étonnée de recevoir une lettre de moi de Southampton. Figurez-vous que je fais une petite excursion dans le sud de l’Angleterre toute seule, avec ma boîte à couleurs, comme un garçon. J’ai passé deux jours à Shanklin et telle que vous me voyez j’arrive d’Isle of Wight. Je n’ai pas voulu vous en parler plus tôt car je savais que vous n’y étiez pas en ce moment et j’avais peur de vous causer du dérangement : pour si peu de temps ce n’était pas la peine. Je suis descendue à Marine-Hotel où il y a un français et où j’ai été parfaitement bien. J’ai trouvé Shanklin tout à fait désert et bien froid je vous assure, mais la mer était tout aussi belle et j’ai eu du plaisir à refaire deux ou trois de nos promenades Sur le landslip il faisait un tel froid que j’ai cru que je ne pourrai pas redescendre. Vous avez maintenant l’explication pourquoi je vous ai demandé de garder des lettres si elles arrivent à Shanklin. je pense que d’ici j’irai à Brighton et les environs et que je reviendrai par la Belgique. Je vous assure que je m’amuse beaucoup, je regrette seulement que vous n’étiez pas à Shanklin pour que je puisse vous faire une petite visite et promener avec vous mais j’espère que je reviendrai dans l’été faire un petit tour si j’ai le temps. En ce moment c’était absolument nécessaire pour moi de partir car j’étais fatiguée et découragée, sans quoi j’aurais attendu le beau temps. Au revoir chère Florence, recevez mes amitiés. Tout à vous Camille Vous auriez bien ri si vous aviez vu toutes les bêtises que j’ai faites avec mon anglais.


Lettre sans enveloppe. Paris (?), juillet ou août 1888. Chère Florence, Je ferai tout mon possible pour trouver une jeune fille à laquelle miss Meta Darney dont vous me parlez une amie qui appartient à une famille très riche et très bien placée et qui a beaucoup de relations et je vais lui en parler avec beaucoup de recommandations. mais, voudriez-vous avant me donner quelques renseignements sur cette jeune anglaise – Voudrait-elle recevoir des appointements ou bien serait-ce seulement à titre d’amie – Est-elle bien de sa personne et n’est-ce pas un type dans le genre de Jessie ? Dites moi le plus possible sur elle s’il vous plaît avant que je parle de rien. Vous êtes bien heureuse d’aller à Shanklin avec votre fiancé. C’est le véritable rêve de bonheur et je crois que vous trouverez là une grande compensation des ennuis que vous avez eus à grantham avec les vilaines gens. Racontez-moi bien tout ce que vous faites n’est-ce pas, cela m’intéresse toujours. Envoyez-moi le portrait de Miss Bestwick le jour de votre départ : quelle tête !.. J’ai bien ri que Jessie a dégringolé les escaliers, je suppose que son enfant va naître bossu à présent, un charme de plus ! Je vous envoie un échantillon de ma robe de noce, dites-moi si elle vous plaît, je la mettrai avec un grand chapeau en velours noir. Nous sommes plongés en ce moment dans tous les préparatifs du mariage ; il y a de quoi devenir fou je vous assure. Voici les renseignement que vous m’avez demandés : Nom du livre Le Monde occulte ou les sciences occultes par Sinnett, président de la Société théosophique de Simla. Numéros de l’Art : 15 Décembre 1887 1er Février ” 15 Février ” 1er Mars ” 15 Mars ” Puis trois autres cette année dont il m’est impossible de trouver les numéros. Je vous ai dit sans doute que j’ai eu une récompense au Salon pour mon groupe, je vais probablement le faire en pierre maintenant. J’ai commencé aussi un grand tableau en peinture Votre buste a été cassé à la cuisson, c’est pourquoi j’ai attendu qu’il y ait un autre de prêt, je vous l’enverrai à votre rentrée à Grantham. Ma mère me charge de vous dire que si vous avez besoin de faire des achats à Paris pour votre mariage elle sera tout à votre disposition pour les faire et avec beaucoup d’avantages à cause de la grande connaissance que nous avons des meilleures maisons de Paris. Voudrez vous me dire dans votre prochaine lettre si vous connaissez le prix d’un jeu de tennis (le meilleur marché mais assez bon pour jouer) Nous voulons peut-être en acheter un pour nos vacances car moi et Paul nous allons à Villeneuve et nous allons bien nous ennuyer. Ma soeur et son mari iront à Jersey. recevez je vous prie mes meilleures amitiés pour vous, votre père, et monsieur Back Tout à vous Camille Claudel


à Miss Florence Jeans, Grantham. Paris, 6 décembre 1888 (cachet de la poste rue Monge) Chère Florence, pardon de ne vous avoir pas encore remerciée de votre gracieuse invitation, ce serait avec bien du plaisir que je l’accepterais si je pouvais mais pour le moment ce n’est pas possible ; j’ai commencé d’autres groupes que je ne puis pas quitter. Je suis toujours très nerveuse et je dors très peu mais j’espère que cela passera tout seul. Vous êtes bien bonne de prendre de l’inquiétude pour moi et je suis très sensible à ce témoignage d’amitié. je voudrais que vous puissiez venir de temps en temps à Paris. Je vous envoie l’échantillon d’une nouvelle robe que j’ai achetée je pense que cela vous intéresse. J’ai eu dernièrement la visite d’une anglaise amie de Miss Faucette qui désirait que sa petite fille prit des leçons de sculpture avec moi mais elle n’est pas encore décidée. j’attends sa réponse. J’espère que le buste est arrivé en bon état et qu’il vous plaît, vous me direz où vous l’avez placé. Je ne puis pas vous dire grand chose aujourd’hui parce que je suis triste et ennuyée, et pendant que j’écris un monstre de petit gamin joue du piano à l’étage en dessous, toujours le même air du « petit Suisse » et s’arrête toujours au même endroit cela me rend folle. Je vous prie de présenter mes respects à mons. et mad. Jeans et vous, recevez mes meilleures amitiés ainsi que M. Back. Camille


à Miss Florence Jeans, Grantham. Paris, le 24 février 1889 (cachet de la poste rue Monge) Chère Florence Il y a bien longtemps que j’ai le dessein de vous écrire mais j’ai toujours quelque chose qui m’empêche. je viens d’avoir miss Singer en visite chez nous pendant douze jours. Nous nous sommes très bien amusées pendant ce temps-là. Je crois qu’elle reviendra au mois de mai passer 15 jours à notre campagne Villeneuve. Elle dit qu’elle va se marier au mois de juin à Paris parce que cela l’ennuie de faire une grande noce à Frome. Nous avons parlé de Jessie et (entre nous) nous avons bien ri à ses dépens. Elle m’a invitée beaucoup à aller à Frome avec Paul mais je ne crois pas que j’irai en Angleterre cette année. je suis en train de faire le buste de Lhermitte (peintre) peut-être le mettrai-je au Salon. Je travaille aussi à mon groupe de valseurs qui n’est pas encore terminé. Aussi j’ai une petite élève anglaise de 10 ans qui vient presque tous les matins Vous voyez que je ne manque pas d’occupation. Je suis toujours très énervée et le sommeil a bien du mal à revenir. Je crois que mon père va me faire bâtir un atelier à Villeneuve pour travailler là tout l’été. J’espère que si vous venez à l’expos, vous viendrez en visite chez nous j’y compte bien. Merci d’avoir parlé pour moi à une dame à brighton, certainement j’irai là un jour. Recevez mes meilleures amitiés pour vous et vos parents. Camille Claudel


à Miss Florence Jeans, Grantham. Paris, 18 avril 1889 (cachet de la poste rue Claude-Bernard) Chère Florence, Je vous envoie des gravures des robes les plus à la mode ici ; on ne voit que cela à peu près, c’est charmant et très simple. Si vous voyiez celle de ma soeur cet été vous seriez ravie. Sa façon est pareille à la gravure qui a une croix. L’étoffe est celle de l’échantillon ci-joint. Elle est brodée à la main dans le bas et sur la poitrine d’une large guirlande de roses ; ce qui est la dernière mode. Avec cela un chapeau en paille de riz noir terne avec une grande couronne de roses, tout plat et assez large. C’est tout à fait jeune et charmant. [à cet endroit de la lettre se trouve un minuscule croquis au crayon d'un chapeau] – Je ne crois pas que j’irai en Angleterre cette année car je ne suis pas encore très bien portante et je craindrais d’ennuyer mes hôtes. Je vous ai déjà dit je crois, qu’Amy Singer est venue chez nous 12 jours ; elle m’a beaucoup invitée à aller à Frome, mais je crois que c’est impossible. J’expose cette année au Salon le buste en bronze du fils de Léon Lhermitte le peintre, c’est l’ouverture le 1er mai, mais je n’y serai pas car je pars demain pour une petite visite chez ma soeur à Dreux et après j’irai à Villeneuve, je vous écrirai de là. Si vous vous décidez à venir voir l’Exposition, ne vous gênez pas pour descendre chez nous. Paul et moi nous irons vous chercher à la gare et vous ferons visiter l’Exposition. Il ne vous coûtera que le voyage et c’est si peu de chose. Allons, j’espère que vous vous déciderez. En attendant le plaisir de vous voir, recevez mes meilleures amitiés pour vous et votre famille et mr Bestwick. Tout à vous Camille Claudel


à Miss Florence Jeans, Grantham. 23 juin 1889 (cachet de la poste rue Monge) Chère Florence, Je suis revenue de la campagne hier, mais il fait si chaud et si mauvais à Paris que j’ai bien envie de repartir tout de suite ; je n’ai même pas le courage d’aller à l’Exposition. Je voudrais bien faire un petit voyage en Angleterre et j’aurais bien du plaisir à aller chez vous ou chez votre amie de Brighton mais c’est si loin et cela coûte assez cher. J’aimerais de voyager en France avec une famille anglaise, si vous avez à Paris des amis qui sont venus pour l’Exposition et qui désirent visiter des chateaux anciens dans les environs, je serais bien aise de les accompagner pour une ou deux semaines. Voulez-vous le demander pour moi : vous seriez bien gentille. en tous cas je ne serai pas pour longtemps ici et si je n’ai pas un nouveau projet, je repartirai dans mon pays le 1er juillet. Alors répondez-moi bientôt n’est-ce pas ? Votre amie dévouée Camille


à Miss Florence Jeans, Grantham. Toulouse, 23 juin 1889 (cachet de la poste) Toulouse, Haute-Garonne Chère Florence, Vous m’excuserez, je vous prie, de n’avoir pas répondu plus tôt à votre lettre et à votre gracieuse invitation. Je suis depuis un mois dans la France en voyage avec une famille anglaise dont j’ai fait la connaissance aux bords de la Loire. J’ai fait depuis ce temps un bien grand tour dont le point le plus intéressant a été de grandes excursions aux Pyrénées et au nord de l’Espagne. maintenant je suis à Toulouse pour quelques jours et après j’irai en Auvergne et en Suisse. Les personnes avec qui je suis sont très aimables, je donne des leçons de dessin à une des jeunes filles et je la conduis visiter tous les monuments intéressants où nous passons. Je pense que je serai de retour vers le milieu de septembre et j’irai à Villeneuve. Mes compatriotes m’ont commandé un buste de République qui sera placé sur la fontaine de ma ville natale et je dois livrer au 1er octobre. J’espère, chère Florence, que vous vous portez bien ainsi que toute votre famille. je vous écrirai aussitôt mon retour. Recevez mes meilleures amitiés Camille Claudel


à Madame Back, Docteur Jeans, Lincoln Villa, Shanklin, Isle of Wight Paris, 24 août 1893 (cachet de la poste rue Montparnasse) Chère Florence, Je suis excessivement heureuse de penser que je vais aller avec vous à Shanklin et je vous remercie beaucoup de votre aimable invitation. En même temps que j’aurai le plaisir de revoir les endroits où je me suis si bien amusée, j’aurai aussi celui d’être avec des amis charmants que je n’ai pas vu depuis longtemps. J’apporterai la terre pour faire un portrait de l’un de vous si vous voulez j’espère qu’on ne va pas me mettre en prison à la douane en pensant que la terre est une bombe de dynamite. j’espère arriver le 30 ou 31 août pour profiter encore de quelques beaux jours et des bains, seulement je n’ai pas encore regardé l’indicateur pour savoir au juste les jours de départ des bateaux : il faudra donc que je vous écrive encore une fois d’ici là. Je vais écrire aussi à mr Edgar Singer pour savoir quand Amy sera à Ventnor et alors nous pourrons aller faire visite ensemble, ce sera très amusant. J’espère que vous n’êtes pas devenue trop sérieuse depuis votre mariage et nous pourrons encore rire beaucoup ensemble. Je souhaite que la vieille de Luccomb (?) vive encore jusqu’à mon arrivée. Je vous dirai pour terminer que si votre français est devenu mauvais mon anglais a complètement disparu : nous serons obligées de parler par gestes. En attendant le prochain plaisir de vous embrasser, recevez mes meilleures amitiés pour vous et toute votre famille. C. Claudel Dites-moi si le petit bébé prendra les bains de mer ?……


[Dans la même enveloppe] Chère amie, Profitant de votre aimable invitation, je partirai de Paris mercredi 30 août à midi 55 — départ du Havre 10 heures soir arrivée à Southampton jeudi matin. Quant aux correspondances avec Ile de Wight, je serai forcée de m’informer là-bas car il n’y a pas d’indicateur ici. Agréez je vous prie l’assurance de mes meilleurs semtiments, Camille Claudel

Le document suivant est extrait d’un album intitulé «An Album Confessions to Record Thoughts Feelings & c.». La page de garde porte la mention Florence M. Jeans September 1878. Your favourite virtue. Je n’en ai pas : elles sont toutes ennuyeuses. Your favourite qualities in man. d’obéir à sa femme Your favourite qualities in woman. de bien faire enrager son mari Your favourite occupation. De ne rien faire Your chief characteristic. Le caprice et l’inconstance Your idea of happiness. d’épouser le général Boulanger Your idea of misery. d’être mère de nombreux enfants Your favourite colour and flower. La couleur qui change le plus et la fleur qui ne change pas If not yourself, who would you be ? Un cheval de fiacre à Paris Where would you like to live ? Dans le coeur de monsieur Wilson Your favourite prose authors. Monsieur Pellerin auteur des célèbres images Your favourite poets. Celui qui ne fait pas de vers Your favourite painters and composers. Moi-Même Your favourite heroes in real life. Pranzini ou Trupmann (au choix) (?) Your favourite heroines in real life. Louise Michel Your favourite heroes in fiction. Richard III Your favourite heroines in fiction. Lady Macbeth Your favourite food and drink. De la cuisine de Merlatti (?)(l’amour et l’eau fraîche) Your favourite names. Abdonide (!), Joséphyr (!), Alphée Boulang (Boulanger ?) Your pet aversion. Les bonnes, les cochers et les modèles What characters in history do you most dislike ? Ils sont tous désagréables What is your present state of mind ? Il est trop difficile de le dire For what fault have you most toleration ? Je tolère tous mes défauts mais pas du tout ceux des autres. Your favourite motto. Un tiens vaut mieux que deux « tu l’auras » Cam Claudel 16 Mai 1888.

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